Le 25 juin 2019, la Sous-Secrétaire d’État adjointe pour l’Afrique Orientale et le Soudan, Makila James, a pris la parole lors d’une session de la Chambre des représentants des États-Unis. Elle était censée décrire la situation au Soudan, où elle s’était rendue la veille, mais le rapport s’apparentait davantage à un ultimatum.
Les accusations des États-Unis
Washington a imputé la responsabilité de toutes les victimes civiles au seul Conseil de transition militaire soudanais. En outre, ses représentants ont été accusés d’avoir bloqué délibérément la fourniture d’une assistance médicale aux manifestants et d’une aide humanitaire à la population soudanaise. De plus, les autorités soudanaises sont accusées de bloquer l’Internet dans la république et de restreindre le travail des médias, ce que Washington considérait comme injustice.
Selon la diplomate américaine, le président du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burkhan, a été averti qu’il prendrait sa responsabilité personnelle en cas de décès de manifestants.
Il faut noter que pendant son discours, Makila James a reconnu l’implication des États-Unis dans l’organisation de la crise au Soudan. Selon elle, Washington soutenait depuis des décennies, y compris financièrement, la formation de diverses ONG au Soudan, qui sont devenues primordiales pour l’organisation des manifestations en 2018-2019.
Les intentions du département d’État des États-Unis
Selon Makila James, Les États-Unis ont l’intention de demander au Conseil militaire de transférer le pouvoir à un gouvernement civil dès que possible. La proposition du Conseil d’organiser des élections démocratiques dans le pays dans neuf mois a été considérée comme inacceptable. Il était mentionné que ce calendrier électoral contribuera à maintenir le pouvoir militaire dans le pays.
James a également demandé aux autorités soudanaises de retirer des éléments de Rapid Support Forces (RSF) de Khartoum qui, selon les déclarations des Américains, auraient participé à des affrontements avec l’opposition le 3 juin 2019. Rapid Support Forces joue un rôle des forces intérieures. Auparavant, elles étaient contrôlées par le Service de la sécurité nationale et du renseignement, mais après le renversement du président Omar el-Béchir, l’armée a été réaffectée. Leur commandant, le général Mohamed « Hemidti » Hamdan Dogolo, est le chef adjoint du Conseil militaire.
Washington insiste également pour que le Conseil militaire mène une enquête sur les événements du 3 juin et traduise en justice les responsables, notamment les représentants de RSF et les fonctionnaires du ministère de la Défense. Il faut souligner que les autorités soudanaises ont déjà commencé une enquête concernant les émeutes du 3 juin. Leur avis sur les causes de l’incident est fondamentalement différent de celui de Washington. En fait, les autorités devraient identifier les coupables d’un groupe d’auteurs déjà désigné, sans aucune enquête. Compte tenu du contenu des publications dans la presse occidentale, il est nécessaire de sacrifier Mohamed Hamdan Dogolo, ce qui pourrait bien déclencher une guerre civile au Soudan.
Les moyens de pression sur le Soudan
Makila James a assuré que la diplomatie serait le moyen principal des États-Unis dans la lutte pour la démocratie au Soudan. Cependant, elle a décrit quand même les différentes méthodes d’imposition de la paix aux autorités du pays.
Selon Makila James, l’imposition des sanctions aux autorités du Soudan fait encore l’objet de discussion. Pendant son discours elle a mentionné à la fois des moyens de pression économique et le refus de délivrer des visas aux dirigeants du Soudan. Elle a également déclaré que Washington était parvenu à un accord avec les donateurs du Soudan, à savoir l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. D’après Makila James, de nouvelles allocations de fonds à Khartoum seraient convenues avec les États-Unis. La Sous-Secrétaire d’État adjointe a aussi noté que dans ce cas à la fois l’imposition de nouvelles sanctions et la levée des restrictions déjà imposées seraient possibles.
Il faut aussi se rappeler que les États-Unis considèrent le Soudan comme l’un des États soutenant le terrorisme malgré le fait qu’après le 11 septembre 2001 Khartoum ait aidé Washington dans la lutte contre Al-Qaïda. Le statut d’État soutenant le terrorisme limite la possibilité d’attirer des investissements étrangers dans le pays. Cela devient un problème aigu dans le contexte de l’accord entre Washington, Riyad et Abou Dhabi. C’était l’annulation probable du statut d’État soutenant le terrorisme que Makila James a qualifié comme le moyen de pression le plus important.
De plus, James a souligné que les États-Unis allaient utiliser un vaste réseau de contacts créé par leurs alliés d’Abou Dhabi et de Riyad, y compris des représentants de l’armée, des dirigeants de partis et de syndicats et des chefs religieux, afin de manipuler le Soudan. Ça peut être expliqué comme la volonté d’organiser le coup d’État au Soudan.
Enfin, il est clair que les États-Unis étendent leur ingérence dans le processus politique au Soudan en sabotant les efforts des élites locales et des pays voisins pour la stabilisation du pays.
Analyste principal de la Fondation pour la protection des valeurs nationales, Nikolai Ponomarev